Architecture [Hai, Junji, Hae Hoon]

Lorsqu'elle avait appris qu'il n'y aurait pas cours pour les premières années ce jeudi, Hai avait commencé à réfléchir sur la façon dont elle pourrait utiliser ce vide. L'idée d'intégrer une classe de seconde année pour la journée l'avait effleurée mais elle tenait à ne pas se faire remarquer avant d'avoir au moins rédigé les fiches individuelles de son année.

Et puis, elle avait remarqué ce bâtiment. Les lieux semblaient inexplicablement désaffectés et peu de gens s'en approchaient. Haï en avait d'abord déduit qu'il y avait des risques d'éboulement, mais la construction semblait tenir solidement debout. Elle avait donc résolu de vérifier si aucune rénovation n'était possible en vue, éventuellement, de réhabiliter l'endroit après quelques travaux. Elle pouvait même aider le directeur à trouver les fonds pour financer le projet, si cela s'avérait nécessaire. Après tout, gérer un portefeuille de plus ou de moins ne portait pas vraiment à conséquence sur sa productivité.

Pour effectuer ces vérifications de rigueur, elle avait contacté l'un de ses clients retardataires. L'amateur de boxe en question était entrepreneur et gérait son budget avec une efficacité dangereusement insuffisante, ce qui permit à Haï d'obtenir ses services pour la journée en échange d'un suivi-conseil d'une semaine sur ses dépenses.

En ce jeudi matin, Hai était occupée à enfiler une panoplie complète d'architecte sur le terrain. Outre le casque traditionnel et le bleu de travail, elle cherchait le moyen de trimballer de la façon la plus simple l'attirail qu'elle s'était procuré. Sur la table du salon était posée une longue liste du matériel, des mesures à prendre, et des divers éléments à vérifier. Cette liste devait être complétée par son débiteur avant le début de l'exploration.

Or, elle était actuellement indisponible car située sous la masse de son frère endormi. Montre en main, elle patienta avant de tirer la feuille d'un coup sec au moment précis où la sonnerie du réveil de son frère retentissait au loin. Elle le traîna sous la douche, puis revint au récapitulatif et commença sa relecture avec attention. Puis elle attendit une minute. Deux minutes. A la fin de la troisième, elle appela l'entrepreneur qui n'avait encore qu'une minute de retard mais qui, effrayé par la rigueur de sa nouvelle conseillère financière, préféra résilier le contrat.

Hai tiqua, mais renonça à la faire chanter. Après tout, il n'avait aucun sens de la gestion et donc ne leur eut été que peu utile. Elle ferait plus attention voilà tout. Non, elle ferait très attention. Au vu de la figure matinale de Junji, qui avalait passivement son riz au lait nature, il valait effectivement mieux redoubler de prudence.

Après avoir nettoyé ses couverts et enfoncé un casque sur la tête de son frère, elle le traîna dehors en même temps que divers outils de mesure. Il leur fallut un peu plus d'une demi-heure pour atteindre leur objectif, intervalle durant laquelle ils suscitèrent un certain étonnement tant chez les habitants de Niyama que chez les élèves qui avaient cours. Ils semblaient pour la plupart amusés de croiser des apprentis entrepreneurs à l'allure aussi motivée d'un côté que traînante de l'autre.

Les commentaires se raréfiaient au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de leur cible. Plus de sourires, à peine quelques chuchotements. Lorsqu'ils entrèrent dans le bâtiment, Hai fut surprise de remarquer que les lumières fonctionnaient. En général, dans ce genre d'endroit, l'électricité comme l'eau étaient coupés, ne serait-ce que pour éviter que les lieux soient victimes d'une razzia de sans-abris. Le directeur n'avait vraiment pas l'esprit pratique.